Une petite île mais une infinité de terroirs
À Taïwan, chaque tasse de thé raconte une histoire façonnée par les forces puissantes de la nature. l’île, émergée de l'océan Pacifique par la tectonique des plaques, offre une richesse naturelle inégalée grâce à ses sources chaudes et ses sols volcaniques, imprégnés d'oligo-éléments essentiels pour la culture du thé.
Nichée à l'intersection des zones tropicale et subtropicale d'Asie, Taïwan compte plus de 200 sommets de plus de 3 000 mètres d'altitude, créant ainsi une mosaïque de paysages écologiques où chaque altitude et latitude interagissent pour produire des arômes subtils et diversifiés.
Cette diversité géologique crée une palette infinie de terroirs pour la culture du thé.
Les oolong de haute montagne, l’essence des sommets
Dans les hautes montagnes de Taïwan, comme celles d'Alishan et de Li Shan, les variations de température entre le jour et la nuit créent un climat idéal pour la culture du thé. Enveloppées de nuages et de brume, ces régions bénéficient d'une humidité douce et constante, renforcée par la rosée matinale et nocturne. Les températures, oscillant entre 15 et 30 degrés toute l'année, confèrent aux feuilles de thé un délicat arôme de fleurs blanches.
À Alishan, par exemple, les théiers croissent à une altitude élevée, parfois jusqu'à 2 500 mètres, dans un environnement où les nuages se mêlent aux forêts de cèdres, enrichissant les feuilles de thé d'une essence légère et florale.
De même, à Li Shan (“la montagne en forme de poire”), situé à des altitudes encore plus élevées, autour de 2 800 mètres, les théiers prospèrent dans un air pur et une lumière intense, créant des thés réputés pour leur douceur et leurs arômes subtils, souvent décrits comme célestes.
Chaque montagne, avec son microclimat distinct, offre des nuances aromatiques subtiles qui inspirent les amateurs de thé à découvrir les multiples "essences des montagnes", capturées dans chaque feuille par la brume matinale.
Dans le sud : un thé imprégné des vents marins chauds et humides, représentant la quintessence du climat tropical de cette région.
Descendons maintenant (beaucoup) plus bas, vers Pingtung : bienvenue dans la région côtière la plus méridionale de Taïwan, l'endroit le plus chaud de l'île pour la culture du thé. Ici, à basse altitude, les températures oscillent entre 30 et 40 degrés tout au long de l'année. Sous un soleil intense, les vents marins chauds et humides balayent les collines où prospèrent les théiers.
Ce climat unique donne naissance au "Harbor Tea", une variété connue pour sa saveur distincte, imprégnée des brises maritimes. Les feuilles de thé, épaisses et vigoureuses grâce à la chaleur et à l'humidité, poussent à une vitesse remarquable, permettant jusqu'à dix récoltes par an – un rythme impressionnant !
Ces feuilles, riches en matière organique, sont ensuite mises à vieillir dans des jarres en terre cuite. Les habitants locaux espèrent qu'au fil des années, ce processus révèlera des caractéristiques aromatiques inédites et raffinées.
Dans l’Est, la vie de (Cic)Adèle, des thés uniques et rares, fruits d'une interaction fascinante entre la nature et l'homme
Le voyage n’est pas fini et dirigeons nous maintenant vers l’Est du pays : entre la chaîne centrale de montagnes et la chaîne côtière, s'étend la région de Luye, véritable écrin de nature préservée. Protégée des vents marins par ses remparts naturels, Luye demeure l'une des zones les moins peuplées de l'île, conséquence des disparités de développement urbain. Ce territoire aux montagnes majestueuses, aux sources d'eau pure et exempt de toute pollution avait été choisi par les Japonais, durant l'occupation de Taïwan, pour y cultiver du riz de haute qualité considéré encore aujourd’hui comme le meilleur de l’île.
Mais revenons à nos oolong et, sur ce sol vierge et fertile, les théiers attirent de petits insectes verts, la cicadelle verte (Jacobiasca formosana pour les intimes). Pendant les mois chauds d'été, ces cicadelles se nourrissent des jeunes feuilles de thé, créant de minuscules blessures. Loin d'être un problème, ces morsures déclenchent une réaction chimique dans les feuilles de thé. Pour se défendre, les théiers sécrètent des composés aromatiques qui, en s’oxydant, développent des notes sucrées et mielleuses. Les cultivateurs de thé profitent de cette réaction naturelle en récoltant les feuilles ainsi mordillées, pour ensuite les transformer en Honey Black Tea ou en Oolong Noir (appelé également Oolong rouge à Taïwan).
Le résultat, ce sont des thés doux aux arômes riches et complexes, rappelant le miel et les fruits tropicaux. Ce processus unique de production, dépendant de la présence des cicadelles, rend ces thés particulièrement rares et prisés.
Au centre : L'Énigme de Sun Moon Lake, le terroir Enchanteur du Thé Ruby 18
On termine notre tour au centre du pays : nichée à 700 mètres au-dessus du niveau de la mer, se trouve la région envoûtante de Sun Moon Lake. Entourée de montagnes, cette cuvette naturelle bénéficie de l'abondance des eaux du lac Sun Moon, qui chaque matin et chaque soir se pare d'une brume mystique créant un microclimat idéal pour la croissance des théiers.
Le climat chaud et humide de la région de Yu Chi Township a proximité du lac, ressemblant étrangement à celui du district de Darjeeling en Inde. Au fil du temps, la région du lac Sun Moon, avec son environnement unique, s'est rapidement transformé en un havre pour les thés noirs à grandes feuilles de Taïwan.
Apparu à la fin des années 90, après plus de 50 années de recherches, le thé oolong Ruby 18, véritable bijou de cette région. Ce thé noir se distingue par ses arômes profonds et complexes, mêlant des notes de cannelle et de menthe à une douceur naturelle, presque caramélisée qui peut dans un sens rappeler la complexité de certains bordeaux grands crus.
Le voyage se termine ici et je me sens d’une humeur très lyrique : à travers les montagnes, les vallées et autres forêts évoquées, il apparait que chaque tasse de thé raconte une histoire de terroir et de tradition, capturant l'essence même de la nature et de la culture taïwanaise. Chaque feuille de thé, nourrie par les éléments uniques de son environnement, offre une expérience sensorielle faisant du thé produit à Taïwan plus qu'une boisson : c'est un témoignage vivant de l’histoire de l’île et de sa beauté naturelle…”Formosa” ! comme se sont écriés les navigateurs portugais il y a 400 ans en voyant les contours de l’île.